Historique
Historique de Dor Vador
Par Philippe Boukara (historien du judaïsme et président d’honneur de DorVador)
Quelques repères à l’occasion de son dixième anniversaire
L’histoire de Dor Vador commence le vendredi 22 septembre 2000, avec un premier office de kabbalat chabbat célèbré par une trentaine de personnes dans un local de l’OPEJ, Oeuvre pour la protection de l’enfance juive, situé au 46 boulevard Voltaire.
A vrai dire, il y avait eu à cette histoire une préhistoire : peu après l’arrivée à Paris de Rivon Krygier comme rabbin d’Adath Shalom (1991), un Talmud Torah avait commencé à fonctionner à l’école Spinoza, dans le 11ème arrondissement, pour les élèves habitant l’est de Paris - parmi les parents figurait Renée, dont la nièce, Valérie Stessin, terminait ses études de rabbin massorti à Jérusalem.
Après les fêtes de Tichri 1993, un minyan a commencé à se réunir dans cette école tous les vendredis soirs : pour ma part, c’était la première fois de ma vie que je m’engageais dans une pratique religisuse régulière, j’ai participé avec enthousiasme à ce projet qui n’a tenu que...neuf mois.
Le groupe restreint qui l’avait lancé manquait de cohésion, son lien avec Adath Shalom était fragile ; après une année de manque dû à cette interruption, j’ai pu participer à un minyan indépendant, dans le XIXème arrondissement, constitué par des déçus des synagogues consistoriales, dont le durée de vie a été...d’un an et demi.
Engagés activement dans Adath Shalom, notamment dans le projet de passer des petits locaux pionniers de la rue des Belles Feuilles aux locaux spacieux actuels, nous étions quelques uns à regretter le temps perdu dans les transports par ceux qui habitaient l’Est parisien.
Du Minyan de l’Est d’Adath Shalom à Adath Shalom Est
D’où l’initiative de septembre 2000, suivie, une semaine plus tard mais sans rapport de cause à effet, du déclenchement de la Seconde Intifada.
Des premiers temps du Minyan de l’Est ont été marqués par l’extême tension qui règnait en Israël, une partie des membres ayant des liens personnels très forts avec le Pays : Jeanne y avait sa fille et ses petits-enfants, Renée, on l’a dit, sa nièce et aussi sa soeur Evelyne et son beau-frère Georges, Eric et Aline, membres très importants de la première équipe, s’y étaient mariés et y avaient vécu de longues années, moi même, j’y avais vécu et y ai une partie de ma famille et de mes proches amis.
De l’automne 2000 à l’automne 2004, le Minyan de l’Est a connu des heures fastes où nous étions près de 30 le vendredi soir, des périodes de moindre fréquentation, avec quelques visites, la première année, de Floriane Chinski, élève-rabbin au séminaire massorti de Jérusalem, puis, en 2003, des visites plus nombreuses du rabbin américain Micha Hyman, suppléant Rivon en semi-congé sabbatique.
C’est à l’automne 2004 que le mouvement massorti, pour la première fois, nous a proposé l’envoi d’un élève-rabbin, Jean-Calude Sudre, pour un stage de cinq mois. Il a fallu alors déposer des statuts, choisir un nom (ça a été Adath Shalom Est, malgré d’autres propositions que j’évoquerai plus loin), élire un président (charge qui m’a été imposée sans trop que j’aie le choix de dire non...).
Dès l’arrivée de Jean-Claude Sudre, en février 2005, notre hypothèse s’est vérifiée : le potentiel pour une communuaté massorti dans l’Est parisien existe bien, le public venant nombreux à toutes les fêtes juives que nous avons alors commencé à célèbrer régulièrement.
Des offices du chabbat matin presque hebdomadaires ont été organisés pendant cette période, avec l’aide, notamment, de nos amis américains Nathan et Jessica, et de notre ami parisien et futur rabbin David Touboul.
D’un lieu à l’autre
Hélas, l’élan pris pendant le stage de Jean-Claude Sudre s’est enlisé après nos premières fêtes de Tichri (2005). Pour toutes sortes de raisons, le poste de rabbin qui devait être créé pour lui en 2006 ne l’a pas été.
Vers février 2006, nous avons dû quitter le local du mouvement de jeunesse Dror-Habonim, rue Pelleport (Paris 20ème), qui nous avait accueillis depuis l’automne. Prenant notre courage à deux mains, nous sommes retournés dans un local de l’OPEJ, situé, celui-là, rue des Pyrénees (Paris 20ème). Toujours liés aux oeuvres sociales juives (nous avons contribué chaque année à l’Appel pour la Tsedaka), nous avons bénéficié entre 2007 et 2009 de l’hospitalité de l’OSE dans ses deux locaux de la rue du Pont aux choux (Paris 3ème).
L’Intifada avait accompagné nos débuts, la grande Histoire ne nous a pas lâchés : lorsque nous sommes allés recevoir à Roissy, au début de 2006, notre premier Sefer Torah, convoyé par deux jeunes femmes élèves du séminaire rabbinique new-yorkais, on commençait à apprendre par bribes l’assassinat d’Ilan Halimi, Patrick, notre trésorier, me racontait sur la route qu’il faisait du sport avec le jeune homme et avec son père - pour ma part, je connaissais sa mère, travaillant à l’Espace Rachi...
A ses heures fastes, le Minyan de l’Est a bénéficié de drachot de qualité faites par tous les membres à tour de rôle (Gil en a fait une vingtaine, soigneusement écrites et référencées !). Au long de ces années, il y a eu un nombre impressionnant de repas chabbatiques, conférences et sorties. Des artistes comme Laurent Naouri, Sylvie Sivann, Gérard Grobman et aussi Michèle Tauber nous ont soutenu généreusement.
Un petit Talmud Torah a fonctionné en 2006 et 2007 grâce à la volonté et à l’énergie de Jeanne, qui a elle-même enseigné avec à ses côtés Thirtsa et Mme Barash. Il faut dire que nous avons expérimenté, comme dans une "vraie" communautés, toutes les étapes du cycle de la vie : au moins une nomination de bébé (chez Patrick et Anna), quelques bar- et bat-mitzvahs, plusieurs mariages et aussi des deuils - celui d’une de nos membres, Eliane, et ceux des parents de plusieurs autres membres.
Finalement, Dor Vador
Il a fallu bien des efforts pour continuer à faire fonctionner l’office le vendredi soir alors qu’on avait de moins en moins souvent le minyan. Vers la fin, Jeanne et moi étions les seuls à faire des drachot, réduites, pour les miennes, au minimum permis par mon emploi du temps. Nous avons réussi, par contre, les fêtes juives, avec le concours de David, devenu élève-rabbin à Jérusalem, puis celui de Ronny Klein, autre rabbin massorti francophone. J’avais proposé, dans le passé, trois noms pour la communauté, sans qu’un consensus se dessine autour d’eux : Chevet A’him (Etre assis entre frères), formule du psaume bien connu "Iné ma tov ou-ma naïm..." ; Cha’arei Mizra’h (Les Portes de l’Est), allusion à cette entrée particulièrement sacrée du Temple de Jérusalem... ; puis Souccat Chalom, formule à connotation messianique.
Au printemps 2009, la perspective de la venue de la famille Dalsace se précisant, un nouveau nom a finalement été choisi : Dor Vador, et les ressources mises de côté ont trouvé à s’investir dans un projet ambitieux.
Un nouveau président, Daniel Stein s’est particulièrement investit durant deux ans depuis 2011 et a permis le tournant important du nouveau local en préparant largement le terrain.
A l’automne 2013, DorVador s’élargit encore et investit de nouveaux locaux au 10 rue du Cambodge 75020 Paris (Métro Gambetta). C’est un nouveau départ...
Construire une communauté, c’est apprendre à fédérer des gens différents par la sensibilité, le style, le caractère, et bien sûr, l’âge, la classe sociale et les opinions politiques. Cela demande un vrai respect de ceux avec lesquels on n’aurait pas, a priori, d’affinités, mais envers lesquels on fait l’effort de s’ouvrir.
Raconter brièvement cette première étape de l’histoire de Dor Vador - les neufs années qui ont précédé l’arrivée de Yeshaya et de sa famille - relève de cette impératif que nous enseignent les Pirké Avot (VI, 6) : "celui qui dit une chose en citant celui qui l’a dite [avant lui] rappoche la délivrance du monde". Pourquoi cela ? La réponse est dans la phrase suivante : "car il est dit [Livre d’Esther, II, 22] : Esther a parlé au roi [du complot déjoué contre lui] en citant [le rôle de] Mardochée".
Philippe Boukara
La vie communautaire
Par Yeshaya Dalsace (rabbin)
Je voudrais expliquer comment de l’intérieur une telle communauté existe, en dehors de l’enjeu plus global ou de l’engagement de son rabbin.
A la base, il y a un petit groupe militant et un public potentiel. Il y a tout d’abord une envie de faire des choses ensemble autour de l’idée d’un judaïsme authentique et ouvert. Certains viennent aux activités tout naturellement, d’autres se forcent un peu pour que cela puisse exister, tous y trouvent leur compte d’une façon ou d’une autre. Toute une chaîne humaine se met en place pour que cela fonctionne. Cela va de celui qui organise, les administrateurs d’abord, président en tête, à celui qui donne un petit coup de main ou encore celui qui fait simplement acte de présence et, encore mieux, amène un ou deux copains. L’ensemble de cette chaîne humaine donne corps à un projet qui aurait pu rester dans les tiroirs où y retourner très rapidement.
De l’extérieur, on regarde des activités comme plus ou moins réussies et on se présente comme consommateur ou observateur de loin à l’égard de quelque chose qui semble aller de soi. Mais rien ne va de soi. Cela est vrai pour les offices de shabbat, ou les diverses activités que nous offrons autour des fêtes, pour les repas shabbatiques, le Talmud Tora des enfants ou l’étude quasi quotidienne pour les adultes.
Toutes ces activités font appel à un public et n’ont de sens que pour lui. Le public est bien évidemment des plus divers et a des réactions très différentes à ce qu’on lui propose. On apprécie, on juge, on râle quelquefois, on revient régulièrement ou on ne revient pas, on s’enthousiasme, on s’attache, parfois on se fâche, on se vexe pour une broutille ou au contraire on regarde avec bonheur ses propres progrès ou ceux des autres… tout ce matériel humain, ces rencontres, ces envies, cette participation plus ou moins active font qu’une communauté peut exister. C’est ainsi qu’une communauté comme la nôtre voit une quantité importante de gens plus ou moins intéressés venir y participer pour une occasion ou une autre et que, peu à peu, un noyau dur se constitue et se solidifie.
Les motivations sont par définition très diverses et je pense avec réalisme que seuls quelques-uns sont réellement motivés par le militantisme idéologique Massorti que j’évoquais dans la précédente lettre. La plupart des gens viennent parce qu’ils ont envie de venir, sans trop se poser de questions et c’est tout à fait respectable.
Cependant, une communauté n’existe que si un petit noyau suffisant, solide, de militants actifs cherche à la faire exister, quelles que soient ses motivations.
L’histoire de DorVador est faite de ces militants. L’historique a été raconté dans le détail dans un article de Philippe Boukara que vous pouvez trouver sur le site.
Pendant près de 10 ans, en passant par des hauts et des bas, Adath Shalom Est (devenue plus tard DorVador, « de génération en génération ») a existé dans la convivialité, grâce essentiellement à une poignée de personnes : Philippe Boukara, qui en fut le rouage essentiel grâce à sa bonne connaissance du rite et des textes, les infatigables Maurice et Renée Fdida, la regrettée Jeanne Pigeard très soucieuse de la transmission et de l’enseignement… Ce noyau convivial avait pleinement conscience de l’enjeu idéologique de son projet. Il aimait à faire des choses ensemble et formait presque une petite famille à laquelle venait se joindre tout un cercle plus large. Mais s’il a réussi à traverser toutes les galères et à tenir le coup malgré les difficultés, c’est bien parce qu’il croyait profondément au bien-fondé de l’entreprise. Philippe Boukara en particulier, qui par la grande connaissance de l’histoire juive qui est la sienne et son érudition dans la tradition, sait très bien l’importance que représente le mouvement Massorti dans l’histoire du judaïsme.
Il faut regarder les choses en face : maintenir un petit groupe aussi longtemps, dans des conditions difficiles, avec très peu de moyens, relève d’un exploit remarquable. Il faut vraiment avoir la fibre communautaire bien ancrée. C’est ce qu’a réussi à faire ce petit noyau de l’origine à travers les années. Non seulement cela, mais ce noyau toujours présent a accepté d’assister à l’évolution de l’enfant, que celui-ci grandisse et donc lui échappe quelque peu… Mais comme tout bon parent, même si l’adolescence de votre progéniture est parfois difficile à vivre, on est heureux de la voir prendre plus d’autonomie. Derrière cette fidélité du noyau d’origine, il y a beaucoup de patience, d’abnégation et de largeur de vue.
Il y a eu également une gestion financière exemplaire de la part de Maurice Fdida, permettant d’accumuler les moyens de faire venir un jour un rabbin, puis aujourd’hui d’avoir un local. Sans une telle rigueur et souci constant, rien n’aurait été possible. Qui dira le travail de fourmi du comptable, de la paperasse, des cerfa à remplir et envoyer… ? Maurice a assuré ce rôle ardu et ingrat de longues années durant. Isabelle Haspel a pris récemment sa succession.
Depuis quatre ans que je suis le rabbin de DorVador, l’enfant a pas mal évolué, passant par des phases de croissance et des crises d’acné… il n’est plus tout à fait le même.
Là encore, il y a tout le travail d’une quantité de personnes dévouées qui sont venues s’ajouter aux anciennes.
Depuis ma venue, il y a eu trois conseils d’administration, présidés successivement par Philippe Boukara, Daniel Stein puis Françoise Michaelis. Tous, présidents et administrateurs, ont œuvré dans le même sens et ont produit divers efforts permettant notre évolution et d’avoir ce local aujourd’hui.
Les gens ne se rendent pas toujours compte du travail d’un président, des réunions incessantes, des négociations avec divers organismes, des déplacements, des visites de locaux, des prises de contact… le tout pris sur un précieux temps libre et parfois au détriment de progrès personnels dans l’étude.
Je tiens particulièrement à rendre hommage à ces différents conseils et présidents, car le travail d’administrateur d’une communauté est particulièrement difficile et le plus souvent ingrat et bien mal payé de reconnaissance. On a rarement droit à des compliments lorsque l’on fait bien quelque chose mais on essuie avec une certaine régularité les doléances et les reproches pour tout ce qui n’a pas été correctement fait ou reste à faire. Surtout, on passe un temps énorme à des quantités de démarches dont le grand public ne se doute qu’à peine. Parfois on passe par des phases de franches disputes avec les uns ou les autres ou encore le rabbin (oui ! oui !), de désespoir, d’envie de jeter l’éponge... Mais aussi de franche rigolade et de réel plaisir. Le poids des inquiétudes et des responsabilités est énorme, les satisfactions réelles plutôt rares. Un succès ou une nouvelle idée apporte aussitôt de nouveaux soucis... Le plus souvent, on n’a pas cet engagement parce que l’on aime faire cela ou pour des honneurs illusoires, mais parce qu’on pense que cela doit être fait. Ce dévouement est exemplaire et c’est celui -ci qui nous permet d’exister.
Dans le cadre de DorVador, le Talmud Tora, d’excellente qualité, est la résultante du militantisme très actif de Jeanne Pigeard au départ, puis des Alhadef ensuite, ainsi que de Samantha Felman-Romary, sans cela, il n’existerait pas. Or, cela implique de bloquer bénévolement tous les dimanches matin. Pour les Alhadef, de venir de Fontainebleau avec une ponctualité exemplaire. Sans compter les innombrables réunions téléphoniques pour décider du programme pédagogique. Pour le Talmud Tora, le nouveau local bien situé, clair et réparti en espaces indépendants représente un réel progrès. Jusqu’ici nous bricolions de lieu en lieu (il y eut même pendant deux ans une classe dans la chambre d’Anna et Tahel, mes filles, en plus de celle dans le salon !) et nous avions eu la chance de pouvoir profiter de l’aimable hospitalité de la communauté de la rue de l’Atlas cette dernière année, communauté qui fit preuve d’un formidable accueil. Je tiens à dire encore combien je trouve extraordinaire le dévouement des Alhadef dans cette histoire, alors qu’ils ne vivent même pas à Paris.
Voilà pour les « grosses pierres » auxquelles je rendais hommage dans mon précédent texte. Mais il y a aussi toutes les autres pierres de l’édifice, plus ou moins grosses, mais toutes importantes.
En effet, une communauté est une conjonction de bonnes volontés et d’esprit de partage. Il y a celui qui donne régulièrement un coup de main, pour une chose ou une autre. On sait vite sur qui on peut compter ou pas, on repère vite le spectateur passif et l’impliqué, l’efficace et le beau parleur, le patient et le râleur... Il y a donc tous ces petits coups de main qu’on ne saurait citer sans en oublier (il y a toujours les « oubliés » et je leur demande à l’avance pardon, mais de toute façon, je fais exprès de ne pas forcément citer chaque nom et chacun se reconnaitra). Passer des heures au téléphone pour bloquer un conférencier (Eve). Bloquer une matinée à faire la cuisine ou les courses (Solange en particulier, mais aussi Sophie, Elisabeth et bien d’autres). Aider à nettoyer, faire la vaisselle… aménager la salle de Kippour, trimbaler le matériel nécessaire… s’inquiéter après Kippour ou Pourim que la salle est rangée et propre alors que tout le monde est déjà parti sans même songer à ce qui se passera derrière… Stocker dans sa cave des dizaines de chaises durant des années… Déménager en toute discrétion en ayant organisé une camionnette et des porteurs, acheter, bricoler, réparer, coudre…
Il y a ceux aussi qui contribuent aux offices de shabbat et des fêtes : lire dans la Tora, ce qui représente un énorme travail et permet de libérer un peu le rabbin qui est déjà totalement débordé (Shula si efficace !), la Haftara (Fernand), faire le Shaliah Tsibour (Philippe Boukara, Maayane) et tous les autres qui font l’effort de participer, d’améliorer leur hébreu, leur chant afin que le minyanne vibre et vive. Il y a aussi les ponctuels sans qui l’office ne peut commencer et prendrait inéluctablement du retard. Quand on frappe à 9h30 précises à la porte le samedi matin, je sais exactement qui c’est avant même d’avoir ouvert (hélas il n’y en a pas 10 comme cela… !).
Il y a ceux aussi qui se donnent la peine de venir chez nous de loin, parfois de l’autre bout de Paris afin de nous soutenir et d’étoffer le minyanne… Sans tous ceux-là, ce minyanne n’existerait pas tout simplement, nous arrêterions faute de combattants réguliers. Ceux qui aiment à le fréquenter occasionnellement, nos juifs du Kippour et de shabbat occasionnel (qui sont tous très bien venus, aucun reproche ici) trouveraient porte close. Là encore, il faut une certaine abnégation pour se sortir du lit, venir même quand il pleut, sacrifier autre chose ou même la fréquentation d’une autre synagogue plus proche, pour que la Tora puisse être lue chez nous, pour que celui qui a travaillé la pararasha durant des heures ne l’ait pas fait pour rien, pour que celui qui doit dire un kaddish puisse le faire, pour que celui qui offre le kiddoush soit honoré dans sa générosité…
Il en est de même pour les cours. Certains viennent de très loin pour y assister. Sans cette régularité d’auditoire, ces cours n’auraient pas lieu et je n’aurais plus envie de les dispenser à un tel rythme. Connaissez-vous beaucoup de synagogues qui offrent un tel panel de possibilités ? Où tous les cours sont gratuits sur une seule adhésion ? Là encore, il faut remercier les élèves de leur patience et de leur implication.
Et puis il y a les aides plus lointaines.
Les administrateurs du mouvement Massorti français ou européen qui se battent pour nous obtenir des subventions (Aline Shapira, Joanna Kubar, Bernard Weil, Eliette Sabbah et tous ceux qui mettent la main à cette tâche…).
Le rabbin israélien Alain Michel qui ne manque pas une occasion, lors de ses passages à Paris, pour venir nous soutenir et nous honorer d’une drasha toujours passionnante, d’une conférence ou d’un conseil discret.
Les divers amis et conférenciers de passage qui le plus souvent bloquent gracieusement une soirée pour nous.
Il y a aussi ces visiteurs uniques, ces américains ou israéliens qui ont entendu parler de nous et tiennent absolument à venir voir notre petite communauté lors d’un séjour à Paris malgré mes protestations au téléphone ou mail qu’il y a mieux à voir comme synagogue près de leur hôtel…
Il y a enfin le cercle des sympathisants lointains, des gens qui ne viendront jamais parce que trop loin géographiquement ou trop éloignés de la vie juive, mais qui néanmoins font régulièrement un don, parfois conséquent, ou prennent leur cotisation simplement parce que ce projet et son état d’esprit leur tient à cœur. Ils savent qu’ici leur soutien, même très modeste, est indispensable et surtout bien utilisé.
Celui qui rend visite à nos murs, que ce soit jusqu’ici dans mon appartement, ou à partir de maintenant dans notre nouveau local, ne se rend généralement pas compte de l’énorme énergie collective que notre existence implique. On ne voit en général que ceux qui sont là sur le moment, pas tout ce qui se fait en coulisses, tout ce qui s’est fait dans le passé pour que le présent existe et que le futur puisse être envisageable.
C’est à cette magnifique chaîne humaine, aux petits et grands maillons, que je tenais à rendre hommage au moment où nous passons une étape cruciale de notre développement. Je sais que je peux compter sur leur fidélité, je sais que cette chaîne est solide et que chacun de ces nombreux maillons, quel qu’en soit la taille, est important et mérite notre reconnaissance.
Grâce à cette chaîne, nous existons et grâce à cette existence nous avons déjà rendu d’énormes et de petits services à un nombre difficile à calculer de personnes, nous avons fait rayonner le judaïsme, nous avons défendu des valeurs importantes, nous avons offert une adresse de référence, que ce soit celle de la rue du Pont au choux, de la rue Marey, de la rue du Cambodge, ou encore simplement au téléphone ou sur Internet, pour des gens en quête d’un judaïsme intelligent et d’ouverture, un judaïsme épris du respect des personnes et de l’exigence de soi.
Voilà tout ce qu’est DorVador, un collectif somme toute heureux et efficace.
C’est l’incarnation et la réalisation à ces divers niveaux d’implication des adages de la Mishna : « Là où il n’y a pas d’homme, efforce toi d’en être un » et « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera et si je ne suis que pour moi, que suis-je, et si pas maintenant, alors quand ? ». Avis aux amateurs qui hésiteraient à entrer dans la ronde…
Yeshaya Dalsace